Le géant des télécoms chinois, sous la férule de Valerio Ottati, organisait, par exemple, de nombreux événements et débats pour asseoir son influence à Bruxelles auprès des parlementaires. « Le parquet fédéral soupçonne désormais que les invitations à ces événements n’étaient que la partie légale des opérations de relations publiques initiées par l’employé de Huawei et ses potentiels complices », rapporte ainsi Le Soir.Selon le journal belge, des députés auraient bénéficié, depuis 2021, de cadeaux de valeur : smartphones, invitations à des matchs de football, ou encore virements de plusieurs milliers d’euros. Ces pratiques contreviennent au code de conduite des députés européens, qui les oblige à déclarer tout présent d’une valeur supérieure à cent cinquante euros.Valerio Ottati n’était pas le seul à arpenter les couloirs bruxellois. Huawei a financé et structuré une véritable équipe dédiée à ses activités de lobbying, afin de maintenir un contact permanent avec les législateurs européens. Selon le registre du Parlement européen, le bureau de la firme aurait dépensé entre deux et 2,3 millions d’euros pour ces activités.Une dizaine de personnes étaient accréditées au nom de l’entreprise, qui a aussi fait appel à des cabinets spécialisés tels que Hill & Knowlton ou encore Alber & Geiger (entre 600 000 et 700 000 euros en 2023). Le cabinet Acento a également été mobilisé par le groupe chinois (entre 200 000 et 300 000 euros). Cette structure, fondée par l’ancien ministre socialiste espagnol José Blanco, suivait pour Huawei le dossier de la politique industrielle européenne à une période où l’entreprise voulait surtout échapper aux restrictions sur la 5G. Ce cabinet avait aussi été sollicité par le Maroc en 2022, lors des révélations sur l’implication présumée du royaume dans le Qatargate.Pour défendre ses intérêts, le géant chinois a également activé un autre levier d’influence : le soutien financier à de nombreux instituts de recherche et organismes de lobbying gravitant autour du pouvoir bruxellois. Selon le site Lobbyfacts, Bruegel – principal think tank économique de la capitale européenne – a reçu des fonds de Huawei, tout comme le European Policy Centre et le Centre d’études politiques européennes. Digital Europe et Business Europe, deux structures influentes dans l’élaboration de la politique numérique européenne, ont également été financées par l’entreprise. Ce dernier a cependant mis fin à sa collaboration avec Huawei après les révélations sur les soupçons de corruption.Face à l’ampleur des révélations, le Parlement européen et la Commission ont décidé d’inscrire sur liste noire les lobbyistes de Huawei impliqués dans l’affaire. Tous les départements de la Commission européenne ont reçu instruction de suspendre immédiatement les contacts et réunions avec Huawei, « jusqu’à nouvel ordre », selon Olof Gill, porte-parole chargé de la transparence.Néanmoins, Huawei continue de graviter dans d’autres groupes de lobbying basés à Bruxelles. La firme est notamment représentée au sein d’un collectif baptisé 6G-IA, qui rassemble des industriels spécialisés dans la 6G et l’intelligence artificielle – deux secteurs d’avenir hautement stratégiques. Ce groupe revendique son financement par la Commission européenne. Le chef européen de l’architecture des réseaux de Huawei, Ricardo Trivisonno, y préside, par exemple, un groupe de travail chargé de la « renormalisation de la 6G ».L’entreprise prévoit même de participer, en juin prochain, à un sommet sur la 6G organisé par 6G-IA à Poznań, en Pologne, sous le patronage de la Commission européenne et de l’EURAAP (l’Association européenne des antennes et de la propagation). Une preuve que, malgré les soupçons et les sanctions, le géant chinois n’a pas encore perdu tout espoir de se faire une place dans les infrastructures technologiques stratégiques de l’Europe.
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